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Roman "L'Ombre Dernière""

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Roman

L'Ombre Dernière

 

Pénitence. La ville grise. La ville aux mille larmes.

 

Gloire déchue de la boxe et homme de main d'un caïd aux portes de la folie, Damien Cramer aime hanter de sa belle gueule les bas fonds de la ville. Pour l’amour d’une femme, il se sent pourtant enfin prêt à renoncer à sa part sombre, à renoncer à cette vie dangereuse et vaine. Avant qu’il ne soit trop tard.

 

Être solitaire et maudit, Pierre Delamort est poursuivi par un malheur vindicatif qui a depuis toujours décimé celles qu'il aimait. Tourmenté par de funestes augures, il doit composer entre sa malédiction et l’ardeur des sentiments que lui inspire une éblouissante rencontre...

 

Michael Miller est un flic sur la corde raide. Des dettes de jeu l’ont amené à tisser des liens troubles avec la pègre locale et ont mis son couple en danger. Une trahison intime, et son univers entier s’écroule. Un idéal rageur de justice émerge d'une manière inattendue des ruines de son existence.

 

Tandis que le destin tisse entre eux les liens qui les amèneront à une union fragile, l'avenir s'obscurcit devant la menace d'un inéluctable et mystérieux Roi de Pique.
«L'Ombre Derrière» s’inscrit parallèlement aux événements relatés dans « L’Autre Mort », le premier roman de Cédric SEYSSIECQ.
Au cœur de Pénitence et de sa mythologie fantastique, les destins brisés des personnages ploient et se relèvent, avant de s'engager dans un dernier combat. Contre la fatalité, et contre eux mêmes.

 

D

Extraits

 

"Damien Cramer considère longuement la tourmente fuligineuse qui plane sur la ville, l’obscurité trouble qu’elle jette déjà au loin sur le vieux Pénitence. Il descend les marches du musée, parcourt quelques mètres et s’engage dans une allée contiguë au bâtiment. Les murs de l’étroit passage sont recouverts de peintures enfantines et colorées.
    Il y a un flottement perceptible dans les discussions quand il entre dans la cour d’école. Les jeunes mères qui attendent leurs enfants marquent un bref silence, tandis qu’elles concentrent leurs regards sur le jeune homme. Leurs expressions semblent soudain empreintes d’une sorte de fascination coupable et effarouchée. Elles reprennent le fil de leur conversation en gardant un Å“il sur Damien. C’est chaque fois la même scène.
    A la fois gêné et amusé, il se retire un peu à l’écart, contre les poteaux qui délimitent le préau. Il fixe le sol, jouant la timidité, bien que tout à fait conscient du pouvoir qu’il exerce, du désir qu’il sent sourdre des femmes autour de lui.
Il se redresse, gonfle sa poitrine, mettant en valeur sa carrure solide mais fine, et passe la main dans sa chevelure blonde, dont les mèches retombent de chaque côté de son visage.
De tous les surnoms plus ou moins subtils qui avaient jalonné sa carrière sur les rings, beaucoup avaient fait référence à la pureté angélique de ses traits. Mais si sa beauté était aussi troublante, c’est parce qu’elle était celle d’un ange sauvage, vengeur et impavide. Celle d’un voyou flamboyant, à la fois rassurante et dangereuse.
    Damien se tient droit, les bras croisés haut sur sa poitrine. Il porte un blouson de motard en cuir râpé, un jean noir délavé, et une paire de rangers.
Il s’échappe de la présence des femmes encore suspendues à son regard et se perd, rêveur, dans la contemplation des cieux gris et chargés.
Puis la cloche retentit. Des dizaines de petits monstres jaillissent des différentes salles de classe. Damien se souvient que c’est le jour d’Halloween.
    Antoine court en bondissant vers Damien. C’est un petit garçon de dix ans, mignon, sensible et dégourdi.
    Â« - Tu es venu en moto, dis ?
    - Oui, garçon, comme on l’avait dit.    
    - Et on va faire un tour, hein ? Tu me l’avais promis, hein ?
    - Si tu n’as pas trop peur de te mouiller, on peut aller faire un petit tour avant qu’il ne fasse nuit. Si tu veux, on va prendre un dessert au nouveau Mac Do, près de la zone commerciale. »     

 

    Ils sont assis sous la véranda. Il n’y a personne dans le restaurant, sinon les employés qui conversent entre eux derrière le comptoir.
    Â« - Tu ne diras pas à ta mère que je t’ai payé des frites à cette heure, hein ? Il faudra que tu manges normalement ce soir au dîner.
    - On ne mange pas à la maison ce soir. On va se promener dans les rues avec mes cousins, pour la fête d’Halloween. Maman m’a acheté un nouveau costume samedi, mais elle n’a pas voulu que je le mette pour aller à l’école. Elle dit qu’il est vraiment trop horrible, et que la maîtresse m’aurait obligé à le quitter.
    - C’est un costume de quoi ?
    - C’est une sorte de zombie, avec un visage tout déformé. Il a un Å“il qui pend, et il y a des gants avec de la peau toute déchiquetée. Je le mettrai ce soir, pour aller à la fête. Tu viendras avec nous, aussi ?
    - J’aurais beaucoup aimé, petit, mais je travaille ce soir. »
Le petit garçon affiche un air de déception, puis son œil brille d’une lueur de défi.
     Â« - Maman, elle dit que taper des gens, ce n’est pas un vrai travail.
    - Ah oui ! Et elle dit ça à qui, ta maman ?
    - Elle l’a dit à la tante Michelle l’autre soir, quand j’étais couché. Je n’arrivais pas à dormir, alors je me suis assis dans le couloir, et j’ai écouté ce qu’elles disaient.
    - Et ta maman a dit d’autres choses à mon sujet ?
    - Oui, elle a dit qu’elle t’aimait beaucoup, et qu’elle ne voulait pas qu’il t’arrive quelque chose, avec tous ces voyous, et avec tes problèmes à la tête. Moi non plus, je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose. J’aime bien quand tu viens me chercher à l’école, et quand tu viens à la maison. On est bien tous les trois.
    - Ne t’inquiète pas. Il ne m’arrivera rien. Moi aussi, je vous aime beaucoup. Et c’est pour cela que je fais toujours attention à moi.
    - Des fois j’aimerais bien que tu viennes habiter avec nous, mais je ne suis pas sûr. Quand Papa était encore à la maison, il y avait toujours des disputes avec Maman. En plus il travaillait tout le temps sur son ordinateur, et il ne jouait pas à la console avec moi.
    - C’est parce que ton père a des responsabilités. Il fait un travail très important, c’est grâce à lui que des centaines de gens dans la ville ont un travail. Je sais que ce n’est pas facile à comprendre pour un enfant, mais tu devrais être fier de lui.
    - Tu es gentil avec lui, toi… »
    Antoine le regarde d’un air gêné.
    Â« - Parce que lui n’est pas gentil avec moi, demanda Damien ? Il dit des choses sur moi aussi, parfois ? »
    Le petit garçon acquiesce timidement, puis fait une grimace suffisamment évocatrice pour laisser deviner la teneur des propos de son père.
    
    Ils sortent sur le parking du fast-food. Une bande de jeunes chahutent bruyamment près des voitures en stationnement. Antoine les regarde avec curiosité, puis se retourne vers Damien.
    Â« - C’est vrai que tu tapes des gens ?
    - Ça arrive des fois. Mais c’est parce que ce sont des vilains qui embêtent d’autres gens dans la boîte de nuit. Et la plupart du temps, on s’arrange pour ne pas leur faire de mal, tu sais ; on les emmène dans la rue, et on leur demande de partir.
    - Et tu n’as pas peur ?
    - Non, répondit Damien d’une voix grave, en souriant. Non, je n’ai pas peur.
    - Maman, elle a dit aussi que des fois, tu allais taper des gens qui devaient des sous à un monsieur…
    - Dis donc, elle dit beaucoup de choses ta maman. »
    Il tente tant bien que mal de dissimuler sa surprise et sa gêne. Puis, considérant une nouvelle fois le ciel de plus en plus chargé, il tend son casque au jeune garçon
    Â« - Je crois qu’il va bientôt pleuvoir. Mets ton casque, bonhomme, on va vite rentrer. On aura peut-être le temps de faire une partie de Street Fighter avant que ta mère n’arrive. »"

 


"Tu marches encore, dans le silence du soir. Comme tu approches de l’entrée de ton immeuble, tu sens ton cœur se serrer. Tu observes la façade sobre et bourgeoise qui en son sommet abrite tes appartements.
Tu appréhendes tes solitudes promises. Tu repenses aux cauchemars qui hantent chacune de tes nuits, entre ces murs qui t’emprisonnent.
Les images qui te laissent haletant, en sueur, aux portes de la folie.
Ces visions affreuses et prophétiques qui peuplent tes songes, mêlant les douleurs du passé aux augures délétères de dangers à venir.
Des forces obscures rampant à toi dans l’enchevêtrement de ténèbres denses et saillantes, pour s’incarner dans l’effroi de ton être tremblant.
Tu les avais connues autrefois, déjà, ces puissances fatales, lors des moments les plus sombres. Tu pensais les avoir neutralisées, tu pensais les avoir laissées derrière toi, depuis ta solitude, depuis le deuil de tes espérances et de tes amours défuntes.
Elles t’apparaissent parfois, ces femmes que tu as tant aimées, au détour de tes cauchemars, tu revis leurs morts avec toute la souffrance, le désespoir et l’impuissance qui t’avaient accablé alors. Tu es condamné à revivre ces instants pénibles, encore et encore, dans l’abîme et l’absence d’un sommeil angoissé.
Le regain de ces tourments date de quelques mois déjà, et l’horreur paraît se précipiter. Tu redoutes les tombées de la nuit, les ombres qui s’avancent dans la chambre à coucher. Tout cela ne présage rien de bon pour les temps à venir.


Il te faudrait échapper à ces ténèbres, fuir la tristesse de ta vie.

Il y a cette fille, Nelly, qui a bouleversé tes sens et ton âme, ces derniers temps. Tu l’as rencontrée au travail, elle a intégré le service voisin au tien, il y a quelques semaines. Elle a incarné un espoir merveilleux. Hier soir encore, tu rêvais de bonheur, d’amours douces et passionnées. Tu pensais à cette fille, tu te plaisais à imaginer une splendide histoire d’amour.
Ce soir, tu as mal, tu penses à tes arts solitaires, à ta mort et à l’ennui. Tu ne la reverras certainement jamais.
Tu te dis que c’est peut-être mieux comme ça. Tu te souviens de ton passé tragique, de ce qui arrive à ceux que tu aimes. Tu as honte de ta trahison envers tes anciennes amours. C’est comme ça. C’est là ta vraie vie, déparée des brumes d’espoirs naïfs et inconsistants.
Nelly. La force de sa beauté t’a complètement anéanti, ce matin. Tu l’as entrevue, comme tous les jours, juste après ton arrivée, dans le bureau voisin. Si tôt, comme ça, après la solitude et les rêves néfastes de la nuit, c’était presque insupportable.
Tu as souffert de sa beauté, dans la violence d’un émoi incontrôlé. C’était à ne plus en pouvoir, à pleurer et à ne plus vouloir vivre. A ne plus jamais désirer la revoir.
Tu regrettes d’être à ce point sensible. Tu voudrais être une pierre, un éclat minéral jeté au hasard des immensités arides et désertiques. Ou alors, tu voudrais juste pouvoir la contempler, l’aimer pour voler un peu de la grâce de son émotion pleine et souveraine. Tu aimerais que d’un regard elle propage dans ton cœur cette splendeur, qu’elle illumine quelques instants ton âme enténébrée et ennuyée.
Elle aurait pu te sauver des dangers qui pèsent sur ton âme.
Hélas, elle t’ignore à tel point que tu te demandes si tu existes vraiment.
Le premier jour, elle a dû remarquer la langueur de tes gestes fatigués, la mélancolie palpable qu’exhale ton regard, et qui laisse partout où tu passes un flottement léger, une ombre insaisissable. Peut-être s’en est-elle préoccupée auprès de ses collègues, qui lui auront raconté les tragédies de ta vie ; enfin, ce qu’ils en savent.
Elle aura négligemment remarqué la douceur de ta voix, ton visage timide et souriant, tes traits calmes et agréables.
Puis elle t’aura oublié, certainement.
Elle est aimable lorsqu’elle est amenée à te parler dans le cadre du travail, mais elle ne semble guère te prêter plus d’attention.
Tu n’oses pas insister, tu as peur de l’ennuyer. Tu n’as pas confiance en toi. En plus, elle est certainement déjà mariée ou fiancée.
Et puis tu es si réservé, si discret. Si triste. Tu es un fantôme.
Tu t’es accoutumé à passer inaperçu. La plupart du temps, tu t’en accommodes ; parfois même, cela t’arrange. Tu es las des autres. Tu préfères rester seul, à l’abri de leur médiocrité.
Ce n’est pas vraiment que tu détestes les gens, mais il est vrai que tu te sens mal avec eux ; leur inconséquence, leurs vaines aspirations t’irritent. Souvent, tu ne sais pas quoi leur dire. Souvent, ils ne parlent que d’eux, ou de météo.


La situation est pénible, parfois douloureuse. Il n’est pas facile de vivre en marge comme tu le fais, mais cela te procure un recul troublant face à ce monde agité et perturbé, hostile et absurde.
Souvent, tu te demandes ce que c’est que ce bordel."

 

 

 

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